De Lampedusa à Sidi Bouzid : «Nous sommes tous des clandestins»
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À entendre ces accusations, personne au port n’a pu rester indifférent. Qui des tunisiens n’a pas un ami, un proche ou une connaissance qui n’a pas brulé ?! Qui ne connait pas un «brûleur» qui l’a échappé belle ou un autre qui a trouvé la mort en pleine mer ?!! Personne.«Le parcours était dur» confirme une militante qui ajoute «c’est avec honte et effarement, que nous avons découvert la nonchalance de notre pays au respect des droits les plus fondamentaux de l’être humain». En effet, selon ces italiens, l’Etat de leur pays fourni peu ou pas du tout une assistance médicale, psychologique et même alimentaire pour ses visiteurs «imprévus».
Rappelons qu’avant deux jours de l’arrivée de ce groupe, Lampedusa était, encore une fois, le théâtre de tensions et de manifestations de la part des immigrés et des réfugiés. Cette fois, trois locaux ont été brulé par un immigré tunisien et des centaines ont scandé des slogans de liberté pour protester contre les conditions de rétention misérables et la lenteur du transfert vers d’autres centres moins surpeuplés.
Depuis le début de l’année, 50.403 immigrés (45.090 hommes, 2.608 femmes et 2.705 mineurs) sont arrivés à Lampedusa. Malgré les rappels des ONG locaux et internationaux des lois italiennes et des conventions internationales qui obligent l’Italie à mieux traiter ses hôtes, l’Italie continue à évacuer massivement les tunisiens.
Sur l’autre rive, un lourd silence pèse sur l’affaire. La Tunisie est divisée en deux, une partie qui a honte de ses compatriotes « criminels » parce qu’ils forcent les frontières « légales ». et une autre partie qui rêve « clandestinement » de faire le voyage sans le visa inaccessible et les sommes d’argent colossales imposées par l’Europe. Le gouvernement provisoire, lui, s’est limité à la signature d’une convention qui autorise l’Italie à expatrier tous les tunisiens immigrants avec le moindre coût.
a déclaré un activiste d’origine africaine. Il y a des dizaines d’années, cet activiste était à son tour un petit clandestin, avant de s’installer en France puis en Italie et de fonder une famille. A l’époque, il est passé de l’Afrique Centrale à la Tunisie, puis aux rives du Nord. Aujourd’hui, il refait le chemin à l’envers parce qu’il croit en « la révolution tunisienne qui rêve d’un monde meilleur basé sur la dignité et la liberté. »Sous ce même silence des médias et des instances de droits de l’homme en Tunisie, ce groupe d’activistes italiens est venu avec le slogan « Nous somme tous des clandestins ». « Nous somme ici pour vous dire que nous sommes solidaires et pour dire au monde entier que y ‘en a marre de la politique qui vole les richesses du Sud et interdit, au même temps ses gens de vivre ou de rêver.»
Le soutien du groupe est arrivé jusqu’à Sidi Bouzid où il a rencontré les familles des clandestins « 7araga ». La journée s’est passée entre condoléances, soutiens, et échanges … le soir, tout le monde s’est réuni dans un concert de rap pour fêter la résistance et l’égalité.
A notre tour, nous nous sommes dirigés, dimanche, vers Sidi Bouzid. Le but n’était pas de voir si les choses ont changé mais d’essayer de comprendre comment ou plutôt pourquoi des jeunes qui ont fait la première révolution du monde arabe risquent la mort en plein méditerranée. Sidi Bouzid, La ville qui a allumé la première flamme du printemps arabe fait le deuil de ses jeunes même après le 14 janvier. «Certains choisissent de brûler, d’autres se droguent et d’autres se suicident par désespoir» nous affirme une mère de famille après un long soupir.
La ville, décrite dans les guides touristiques, comme la ville la plus morose en Tunisie, reste fidèle à sa réputation. Sans infrastructures, ni éducation, ni encadrement social, les jeunes de la ville sont délivrés au chômage, à la drogue et au désespoir.
Omm Fédi, travaille occasionnellement comme femme de ménage. Elle est mère de trois enfants et divorcée depuis quelques années. Elle nous a accueilli dans un petit garage où elle vit sans électricité ni eau. Omm Fédi bénéficie, comme plusieurs à Sidi Bouzid, d’une bourse mensuelle qui ne dépasse pas 70 dinars (35 euros). Son ex-mari, serveurs dans un café populaire et père d’une deuxième famille nombreuse a arrêté d’envoyer le mandat mensuel depuis le 14 Janvier. «Il s’est endetté d’une somme de 1.600 dinars (800 euros) pour aider notre fils Fédi à brûler.» explique Omm Fédi qui ne sent aucune rancune envers son ex-mari.Pas loin du centre ville, où le feu Mohamed Bouazizi s’est immolé, nous avons rencontré « Omm Fadi », la mère d’un enfant de 15 ans qui a brûlé en mois de février 2011 vers Lempadusa. «Je n’étais pas au courant de son départ. Il était au collège, il aimait le football et rêvait de devenir un grand joueur du foot … mais nous n’avions ni argent ni piston pour qu’il réalise ses projets» explique Omm Fédi en étouffant ses larmes. «Tout le monde l’aime dans le quartier. Il était calme et respectueux et malgré notre pauvreté il avait toujours la tête haute» a-t-elle ajouté.
Maintenant, Omm Fédi attend les nouvelles de son fils qui par un coup de chance, a réussi à échapper à Lempadusa et ses prisons. Ses amis qui ont brûlé avec lui, dans le même navire sont aujourd’hui traités de «criminels» par les autorités italiennes et même par leurs compatriotes. Ceux qui ont tenté leur chance juste après son départ, ont trouvé la mort dans une tempête.Omm Fédi ne regrette pas le départ de son fils. «Je pleure parce qu’il me manque et parce que j’ai peur pour lui. Mais, je ne le regrette pas ! je l’ai vu sur Internet (via Skype), il a pris du poids, il est en bonne santé, il apprend à parler italien et il suit des études pour devenir un éducateur physique.» explique Omm fadi avant d’ajouter «malgré son éducation, Fédi n’a pas pu résister à la drogue. Vous voyez notre quartier ? Tout le monde ici consomme ces poisons … jour et nuit… hommes et femmes … vieux et jeunes… ».
Henda Hendoud
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